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définitions

relative. Dans le monde réel, en effet, qui peut seul nous donner l’idée du hasard, chaque événement est nécessaire, par rapport à sa cause ; mais il peut être contingent par rapport à tous les autres objets, entre lesquels et lui peuvent se produire des coïncidences fortuites dans l’espace et dans le temps. Il faudrait donc que la liberté, dont le caractère essentiel est l’absence de toute nécessitation, fût l’indépendance absolue à l’égard de toute cause, c’est-à-dire la contingence et le hasard absolus[1]. Or c’est là un concept souverainement problématique, qui peut-être ne saurait même pas être clairement pensé, et qui cependant, chose étrange à dire, se réduit identiquement à celui de la liberté. Quoi qu’il en soit, le mot libre signifie ce qui n’est nécessaire sous aucun rapport, c’est-à-dire ce qui est indépendant de toute raison suffi-

    fait-il que nous concevions celle de la contingence ? Il explique fort bien que les notions de contingence (non-solidarité entre les séries de causes), et de hasard absolu (absence de cause) ne sont pas identiques, et que la seconde seule est absurde.

  1. Sur l’identité du hasard absolu et de la fatalité, voir le beau travail de M. Fouillée, Liberté et Déterminisme, chap. I. — Le hasard, entendu dans toute la rigueur du terme, ne peut être ni perçu, ni même conçu. In mundo non est casus, est une affirmation du sens commun, qui n’est qu’une expression un peu différente de celle du principe de causalité. Mais dans le langage vulgaire, la notion du hasard répond simplement à celle « de l’indépendance ou de la non-solidarité entre les diverses séries de causes. » (M. Cournot.) Cf. Stuart-Mill, Logique, et P. Janet, Causes finales, p. 21-27.