Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/277

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Et se penchant vers Prétorien :

— Évidemment, votre ressuscité est un peu fou, dit-il à demi-voix.

— Non, répliqua Prétorien sur le même ton ; c’est un enfant !

La conversation fut interrompue par le tintement de la cloche qui annonçait le commencement du spectacle. Chacun prit sa place ; tous les yeux se tournèrent vers la scène ; le rideau se leva !

Ici, nous sommes obligés d’avoir recours à la forme du compte rendu, et de donner à notre récit l’apparence d’un feuilleton du lundi. Que Dieu et nos lecteurs nous le pardonnent !


Le théâtre représente une campagne aux bords du Nil ; vers l’horizon apparaît le Caire, copié sur une vignette anglaise ; à droite se trouve la maison d’Achmet, ancien ministre du Soudan d’Égypte, mais depuis longtemps tombé dans la disgrâce, et qui vient de mourir. Son corps est exposé sur un palanquin, à la porte de sa demeure, et la foule prie autour en silence. Quelques figurantes, pour compléter l’illusion, font le signe de la croix.

On distingue surtout, au milieu d’elles, Astarbé, la fille du défunt, qui tient les bras levés au ciel, tandis que la foule chante en chœur.

Le vertueux Achmet est mort !
Ô Dieu, ta sagesse est profonde !
Sa fille reste seule au monde ;
Sois béni, Dieu prudent et fort.

Quand l’orchestre a fini la ritournelle consacrée à la douleur publique, la foule se retire et laisse Astarbé seule avec