Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/110

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les fois que je lève vers lui les yeux. Figurez-vous une tête petite, bien plantée sur un cou modelé comme dans l’ivoire, un ovale arrondi, des joues pleines et délicates, un front harmonieux où s’ondule une chevelure d’un brun clair, crépelée et bouclée, qui retombe en longs repentirs sur le plus beau sein du monde. Figurez-vous un petit nez très-bien fait, des narines riantes, des lèvres roses, entr’ouvertes, où flotte le sourire, de grands yeux veloutés, un regard d’une expression indéfinissable : regard de sirène, moins la perfidie ; regard de Psyché, moins la candeur. Placez, en guise d’étoile, une fleur au-dessus du front ; faites courir un cordon de perles fines autour du corsage ; jetez-y, sans nous en ôter la vue, une ample draperie bleuâtre qui achève la suavité de l’ensemble, et vous aurez, éclose sous le pinceau de Latour, l’image d’une des plus ravissantes femmes du siècle passé.

D’après la comparaison des portraits, Sophie Huguenin ne devait pas avoir été beaucoup moins jolie que sa mère ; certainement elle la surpassait en esprit. — Je ne crois pas qu’il soit facile d’en avoir plus, ni d’une qualité meilleure. Très-âgée déjà, mon aïeule gardait encore le don de repartie. Elle lançait le trait rapide. Avec tous, elle prenait ses franchises où bon lui semblait, mais sans offenser personne, ayant le tact exquis du grand monde. Elle ne haïs-