Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/165

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entre autres, pour que la grille haineuse qui séquestrait chaque soir la tribu de Juda dans ses rues sordides fût enlevée. Les catholiques, presque tous d’origine italienne[1], les Brentano, les Guaita, les Penco, les Leonhardi etc., ne montraient point d’aversion pour les juifs, mais ils étaient comme eux en minorité, et l’opinion luthérienne les accablait de mépris ; ma mère qui, à demi française, avait perdu à l’égard des juifs, comme à tant d’autres égards, l’âpreté des préjugés francfortois, envoyait chaque matin mon frère au Ghetto, pour y apprendre la mathématique d’un vieux juif qui passait pour le plus grand et qui était, à coup sûr, le plus sale, le plus déplaisant algébriste du monde. Elle vint aussi en aide à l’oncle dans une occasion délicate où il s’agissait de remporter une victoire décisive sur les préventions de la vieille dame. Ma tante Louise venait de mettre au monde un fils. Elle recevait, dans un beau lit à estrade, couchée dans la dentelle et la fine batiste, les visites de couche. Le chef de la maison Rothschild s’annonça[2]. Mon oncle ne vit rien là que de très-simple,

  1. Cet élément italien de la population de Francfort m’a sonvent fait réfléchir. Goelhe n’aurait-il pas puisé dans son sang, par quelque alliance de famille, cette Sehnsucht de l’Italie qu’il a si bien fait sentir dans sa création de Mignon ? — Moi-même, n’aurais-je pas, de cet aïeul maternel qui portait le nom d’Adami, le goût, l’inclination, la passion de la terre italienne ?
  2. Amschel-Rothscnild, fils aîné de Meyer Amschel, fondateur