Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/260

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grin, en regardant ces merveilles d’un luxe inouï, se demande si partout le progrès, dans ses résultats imprévus, n’aura pas, comme au bois, détérioré ce qu’il a paru embellir, et si, tout en multipliant nos jouissances, il n’aura pas altéré, abaissé, dépravé en nous la faculté de jouir.

Dans le même temps que ma mère me prodiguait les distractions extérieures, j’en trouvais une dans mon propre esprit qui lui allait mieux. Depuis le départ du comte de Lagarde, la lecture était la seule chose qui suppléât pour moi en quelque manière à l’intérêt de son entretien. Aussi avait-on peine à m’arracher âmes livres. Ce que mon frère me racontait de l’Angleterre m’avait rendue curieuse de littérature anglaise. Je connaissais, dans la traduction allemande, les principales tragédies de Shakspeare, je lisais en français Walter-Scott, Thomas Moore et lord Byron.

Mais déjà, sans aucune étude des langues comparées, je sentais d’instinct qu’un grand écrivain traduit perdait la saveur de son génie, et, comme il m’est arrivé plus tard d’apprendre l’italien uniquement pour lire dans l’original la Divine Comédie, le latin pour les Annales et les Histoires, je souhaitais maintenant d*apprendre l’anglais afin d’aborder sans intermédiaire mes héros de prédilection : Manfred et Child-Harold.

On me donna une maîtresse d’anglais, — miss James