Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/277

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damment les vins vieux des ancêtres. Au dessert, la chanson gaillarde ; ni gêne, ni piaffe ; rien jamais de gourmé, de crêté, d’infatué, dans ces réunions de gentilshommes où personne n’avait ni vouloir ni pouvoir, comme il arrive en nos assemblées de parvenus, de se donner pour autre qu’il n’était, de paraître ce que ne l’avait pas fait sa naissance. Là aussi, contrairement à la vanité bourgeoise, les titres, les charges, les emplois, tous les accidents de la fortune ne comptaient guère, et l’on ne s’y réglait aucunement pour accroître ou diminuer l’honneur de l’accueil. Les femmes, on ne l’ignore pas, recevaient dans cette société d’origine chevaleresque des hommages fervents et constants. Jeunes, elles y régnaient parla beauté ; vieilles, elles commandaient au nom de l’expérience ; elles gardaient la préséance au foyer, le privilège de tout dire, le droit d’asile et de grâce ; elles décidaient souverainement de l’opinion dans les délicatesses de la bienséance et dans les délicatesses de l’honneur. De leur accueil dépendait le plus souvent la faveur dans le monde et l’avancement à la cour des jeunes gentilshommes.

La coquetterie et la galanterie ne cessaient à aucun âge dans les relations des deux sexes. En amour comme en amitié, les liens étaient souples, légers ; ils rompaient rarement ; la vieillesse venue, on les trouvait d’ordinaire resserrés plutôt que relâchés par l’action du temps et de l’habitude. Le temps et l’habitude don-