Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/296

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palais de l’Élysée, disposait favorablement l’opinion. L’absence de toute étiquette autour du duc de Berry, l’ordre et la simplicité qu’il voulait dans sa maison, son goût pour les arts-dont les autres princes n’avaient aucune idée, l’allure vive et franche de qualités, de défauts qu’il ne cherchait point à cacher, les faiblesses de l’amour, « ces faiblesses de François Ier et de Bayard, de Henri IV et de Crillon, de Louis XIV et de Turenne, que la France, écrivait Chateaubriand , ne saurait condamner sans se condamner elle-même, » faisaient au duc de Berry une physionomie distincte. Il attirait à lui une curiosité indulgente et les sympathies de la foule ; il retenait après l’offense, à son amitié, brusque mais sincère, des hommes de cœur et d’honneur.

Ce fut six années après la mort du duc, à Dieppe, pendant la saison des bains, que j’eus l’occasion de voir madame la duchesse de Berry et de lui parler quelquefois. Elle me plut tout d’abord, et toujours davantage, à mesure que je la connus mieux. Elle n’était pas jolie régulièrement ; ses traits n’offraient rien de remarquable ; son regard était incertain, sa lèvre trop grosse et presque toujours ouverte ; elle se tenait fort mal et les mieux disposés ne pouvaient lui trouver grand air. Mais cette blonde Napolitaine avait son charme : une splendeur de teint merveilleuse, de soyeux cheveux blonds, le plus joli bras du monde, des pieds qui, bien qu’en dedans, faisaient plaisir à