Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/308

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satisfait. Les vieilles dames vous avaient vue ; elles avaient salué de l’éventail les nouveaux époux. Sourdes et criardes, elles avaient prononcé, haut et dru, de leur voix rauque, sur les yeux, les dents, la gorge, la main, le pied, sur tout l’air de la mariée. Elles avaient dit : elle est fort bien, ou : elle n’est pas bien, et prévenu ainsi, de leur arrêt, l’opinion du monde.

Les plus jeunes entre ces dernières, celles qui n’étaient point infirmes et ne s’écartaient pas trop de la soixantaine, prenaient encore leur part du mouvement des plaisirs mondains. Elles avaient un salon et généralement un château, où elles voyaient du monde, hiver et été. Il fallait les fréquenter pour se mettre en bon renom. Quand on quittait les tentures éraillées, les boiseries enfumées, les vieux cadres poudreux de la douairière de Luynes, de la douairière d’Uzès, de la douairière de Duras[1], pour entrer chez la princesse de la Trémoïlle, chez la comtesse de Matignon, chez la princesse de Poix, chez la duchesse d’Escars, chez la duchesse de Narbonne, chez la duchesse de Céreste, on se sentait rajeuni d’un demi-siècle.

Le salon de la princesse de la Trémoïlle, outre son grand air d’ancien régime, avait un caractère politique très-prononcé. Ce salon était une cour. La princesse, mademoiselle de Langeron, exerçait de longue date,

  1. Belle-mère de L’auteur d’Ourika.