Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/351

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porter à Paris la bonne nouvelle ; on s’empare des fourgons, des carrosses de la cour ; on monte dedans, dessus, derrière. Sous le fouet des cochers improvisés, les beaux chevaux des écuries royales franchissent ventre à terre la distance de Rambouillet à Paris. De ma fenêtre, je vois passer au galop ce bizarre cortège. On ne savait ce que c’était. Ces attelages somptueux couverts de poussière et d’écume, ces hommes en blouses, en vestes, en uniformes d’emprunt, coiffés de képis, de bonnets à poil, de casquettes, armés de carabines, de sabres, de piques, avinés, enroués, chantant, hurlant à tue-tête, quelques-uns couchés, endormis sur les coussins de satin blanc ! Jamais je n’oublierai ce grotesque grandiose !

L’aspect de Paris était désolé. Au tumulte de l’émeute, au bruit des charges de cavalerie, aux roulements des tambours, au son du canon et du tocsin, suc cédait soudain un silence morne. Les rues dépavées, les réverbères brisés, les boutiques fermées, et, quand venait le soir, les lampions des bivouacs populaires, toutes ces choses, avec l’incertitude qui planait au-dessus de nous, nous jetaient en grande tristesse.

Enfin toute incertitude se dissipa.

Une royauté disparaissait, une autre prenait sa place[1]. Le 9 août, je vis de ma terrasse passer dans

  1. « 10 août. Couronnement de Louis-Philippe Ier. Cérémonie grave. — C’est un couronnement protestant. — Il convient à