Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/352

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une voiture découverte Louis-Philippe et sa famille. Ils revenaient du Palais-Bourbon, où les deux chambres avaient proclamé le roi des Français.

« Il y avait une fois un roi et une reine, » dis-je à la marquise de Bonnay qui regardait avec moi le modeste cortège royal. Elle sourit ; nous avions toutes deux la même impression. Cette royauté qui passait nous faisait un peu l’effet d’un conte. Nous ne la prenions pas au sérieux. Elle n’avait à nos yeux ni consécration ni prestige. De notre point de vue chrétien, selon nos idées de famille, elle était la triste récompense d’une triste félonie. Je me rappelais le mot de la vicomtesse d’Agoult : « Je n’aime pas ces gens-là. » Je pensai qu’elle avait raison[1].

Cependant nous apprîmes que la famille royale avait quitté la France, et que la vicomtesse d’Agoult, malgré son âge, malgré les instances de la Dauphine qui ne voulait pas accepter ce nouveau et définitif sacrifice de toutes ses affections, de toutes ses habitudes, refusait de quitter sa royale amie et reprenait avec elle

    un pouvoir qui n’a plus rien de mystique, dit le Globe. J’y trouve le défaut radical que le trône ne s’appuie ai sur l’appel au peuple ni sur le droit de légitimité ; il est sans appui. » (Alfred de Vigny, — Journal d’un poète.)

  1. Mes opinions en se formant peu à peu me firent, plus tard considérer la révolution de 1830 d’un autre œil et sous un autre aspect ; mais elles ne me ramenèrent poiut à cette opinion que la quasi-légitimité de la royauté bourgeoise tait la forme définitive et parfaite du gouvernement qui seul convenait à la démocratie française.