Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/50

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elle y pénétrait ainsi bien plus vivement et bien plus avant qu’elle n’eût jamais pu le faire par l’enseignement de l’école ou par la spéculation métaphysique. Elle avait pris possession de mon entendement avant l’heure où s’y produisit la pensée.

Je m’associais aussi avec une vivacité extrême à tous les travaux des champs. Avec une brouette, un râteau, une hotte, une fourche, appropriés à ma taille et à ma force, je prenais une part active à la fenaison, à la moisson, aux vendanges.

Les glanes et le halebotage surtout[1], facilités par la négligence volontaire de nos métayers ou de nos vignerons, amenaient de grandes joies, quand, à la fin de la journée, je distribuais, selon mes préférences, aux enfants des pauvres, ma gerbe ou ma hotte pe santé. Je ne dois pas omettre non plus, dans la revue que je passe de mes plaisirs, ces immenses lessives qui se font deux ou trois fois l’an dans les maisons bien pourvues de linge, et pour lesquelles on convoquait chez nous le ban et l’arrière-ban des commères, dont le caquet, infatigable plus encore que le battoir, emplissait la buanderie et les cours d’un gai tapage. Il n’est pas jusqu’à la carriole qui s’en allait aux provisions vers la ville, dont le départ et le retour, reten-

  1. Hale ou halelotage : c’est le nom que donnent les paysans tourangeaux à ce qui s’appelle ailleurs le grapillage : la glane du raisin après la vendange.