Aller au contenu

Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tissant sur le chemin caillouteux, ne causassent une émotion, tant le mouvement et le bruit, quels qu’ils soient, ont un attrait pour l’enfance. Enfin, lorsque nous restions tard à la campagne, les blancs tapis de neige où, d’année en année, l’empreinte de mes pas se marquait plus distincte et plus grande, les glaçons charriés au soleil sur le canal, le fagotage des bûcherons, par-dessus tout l’opération mystérieuse des noirs charbonniers dans les bois, au sifflement de la bise, au croassement des corbeaux, au craquement des branches mortes, complétaient par des joies d’hiver mes joies de printemps, d’été et d’automne.

La chasse et la pêche, quand mon père m’y conduisait, formaient le côté aventureux et en quelque sorte homérique de mes plaisirs. Je n’aurai garde, non plus, dans le rappel de mes joies primitives, de négliger celles qui me venaient, comme aux héros de l’Iliade, des apprêts et des fumets d’un bon repas. Ma mère, en quittant son pays, en avait emmené avec elle quelques souvenirs vivants et domestiques. Elle avait pour moi une bonne allemande ; elle se faisait suivre par un chasseur habillé à la mode de Vienne, la plume de coq au chapeau, le coutelas au ceinturon ; enfin, malgré de nombreux inconvénients, elle ne se décidait pas à congédier une cuisinière viennoise du nom d’Adelheid, laquelle ne contribua pas peu, il faut l’avouer, au parfait contentement de