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ma jeunesse. La cuisine allemande est la vraie cuisine des enfants et des écoliers. Mélanges inattendus, surprises, confusions, naïvetés, indisciplines, mais où tout revient pourtant aux deux éléments inoffensifs, farine et sucre : c’est une complète vacance, un oubli de toutes les règles, où l’enfant trouve son compte et sa joie.

Adelheid excellait aux mehlspeisen ; et quand elle avait bu surtout, ce qui n’était pas rare, elle me prodiguait, hors des repas, des gâteaux, des sucreries, auxquels mes rustiques camarades de l’un et l’autre sexe faisaient, des yeux et des dents, la fête qu’on imagine.

En rivalité de la viennoise Adelheid, Marianne, la ménagère tourangelle, qui serrait sous clef les provisions, emplissait en cachette mon tablier de pruneaux de Tours, de poires tapées, d’alberges confites et d’autres friandises du cru, sans compter, sous le prétexte des oiseaux de ma volière, d’énormes morceaux de sucre que détournaient au passage mes petits amis sans plumes.

L’amour-propre avait bien aussi, de temps à autre, sa part dans mes satisfactions; à une noce de village, par exemple, quand le marié venait me chercher pour ouvrir le bal ; à la messe du 15 août, quand j’allais, au côté de Marianne, un grand cierge à la main, lui droit et moi droite, offrir le pain bénit tout enru-