Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/96

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salon était encombrée de caricatures, de chansons sur le duc d’Angoulême, sur les députés, sur les fonctionnaires selon la charte, qui se trouvaient là, pêle-mêle, avec le Drapeau blanc, le Conservateur, la Quotidienne.

On peut croire que je n’arrangeais pas trop toutes ces choses dans ma petite cervelle, ne comprenant guère les mérites ou les démérites du gouvernement parlementaire.

J’écoutais de tout mon cœur et de toutes mes oreilles les récits de la guerre vendéenne. J’en connaissais tous les épisodes : les Aubiers, Chollet, Aizenay, le champ des Mattes, etc. Je me passionnais pour ces nobles chevaliers, pour ces paysans héroïques, fidèles jusqu’à la mort à leur Dieu et à leur roi.

Quand la veuve de Suzannet, tué au dernier combat, à Rocheservière, vint chez nous avec ses deux enfants, Louis et Félicie[1], je me pris d’enthousiasme pour ces deux petits martyrs de la bonne cause ; et tout en les plaignant, je les trouvais enviables.

Cependant, mes chères études dans la chambre de mon père avaient repris leur cours. Ces leçons à la fenêtre ouverte sur les jardins, leçons sans pédantisme, sans réprimandes, abrégées dès que se trahissait dans mon attitude la moindre fatigue, avaient pour moi un grand charme. Le désir passionné de

  1. Félicie de Suzannet, très-jolie et très-aimable personne, mariée plus tard au comte d’Autichamp.