Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/159

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torrent appelé Marsyas. était suspendue une outre que les Phrygiens appelaient l’outre de Marsyas ; car Marsyas, comme le Silène grec, était un demi-dieu caractérisant l’exubérance des sucs de la nature. Quand donc un Grec ou un Phrygien instruit à l’école des Grecs aperçut l’outre, il dut voir clairement comment Marsyas avait fini ; sa peau, semblable à une outre, était encore suspendue dans la caverne : Apollon l’avait fait écorcher. Dans tout cela il n’y a aucune fiction arbitraire ; beaucoup purent en avoir l’idée, et celui qui le premier l’exprima, savait d’avance que les autres, familiers avec les mêmes conceptions, ne douteraient pas de la chose un seul moment.

La principale raison qui fait que les mythes sont si peu simples dans leur contexte, c’est que pour la plupart ils n’ont pas été formés d’un seul coup. Loin de là, ils se sont développés peu à peu et successivement sous l’action de circonstances et d’événements divers, tant extérieurs qu’intérieurs. Toutes ces impressions diverses ont été reçues par la tradition, qui, vivant dans la bouche du peuple sans s’être encore fixée et immobilisée par l’écriture, était restée muable et flottante ; et les mythes n’ont pris la forme sous laquelle ils nous sont parvenus que dans le cours des siècles. (Je montrerai plus bas jusqu’à quel point cette dernière considération est applicable aussi à une grande partie des mythes du Nouveau Testament.) C’est là un fait aussi important que lumineux, et cependant on le perd trop souvent de vue dans l’explication des mythes, que l’on considère comme une allégorie imaginée soudainement par un individu dans le dessein précis de cacher une pensée sous la forme d’un récit. »

Müller exprime ici l’opinion que le mythe a pour fondement, non une conception individuelle, mais la conception générale et supérieure d’un peuple (ou d’une communauté religieuse) ; et cette opinion est appelée par un juge com-