Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/176

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Bethléem, et d’adopter Luc, qui fixe cette résidence à Nazareth ; et, en général, on fait bien entre deux récits inconciliables, de préférer comme historique celui des deux qui répugne le moins aux lois naturelles, ou qui répond moins à certaines opinions d’un peuple ou d’un parti. Néanmoins, en regardant la chose de plus près, on voit que, si l’un des récits est fictif, l’autre peut l’être aussi. En effet, l’existence d’une production mythique sur un certain sujet prouve que la légende s’est exercée sur ce sujet (que l’on songe seulement aux généalogies de Jésus) ; et, pour décider que l’un des deux récits est historique, il faut s’en référer à la connexion ou à la concordance de ce récit avec d’autres points solidement établis d’ailleurs.

Quant aux parties d’un seul et même récit, on pourrait croire, par exemple dans l’annonciation, qu’il n’est pas historique qu’un ange ait annoncé à Marie qu’elle mettrait au monde le Messie, mais que néanmoins il est vrai que Marie en avait conçu l’espérance dès avant la naissance de Jésus. Or, comment cette attente aurait-elle pu s’éveiller en elle ? On le voit, le mythe est aussi dans une particularité qui, concevable en soi, tient tellement à une particularité inconcevable, que l’une ne peut aller sans l’autre. Ou bien, un acte de Jésus étant raconté comme un miracle, il se pourrait, déduction faite du merveilleux, que le reste se fût réellement et naturellement passé. Cela est, jusqu’à un certain point, concevable dans certaines histoires miraculeuses, par exemple dans les expulsions des démons ; mais cela n’est concevable que parce qu’une guérison soudaine et procurée par quelques mots, comme l’évangéliste l’a décrite, ne répugne pas, dans ces sortes d’affections, aux lois psychologiques ; par conséquent le récit évangélique ne souffre pas d’atteinte essentielle. Mais il en est autrement de la guérison de l’aveugle de naissance ; celui qui admet ici une guérison naturelle doit en même temps se la représenter comme successive ; et, de la sorte, le récit évangélique