Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/23

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devient la cause du conflit où ils entrent avec un savoir plus étendu, avec une raison plus développée. Il suffit de considérer un moment ces conditions pour comprendre ce qu’on doit entendre par formation spontanée des mythes ; sans doute ils sont toujours des œuvres où interviennent des individus, soit durant le temps où ils ne sont pas encore sortis de la tradition, soit surtout quand des hommes se chargent de recueillir et de consigner par écrit les traditions ; mais ils sont spontanés et indépendants en ce sens qu’ils contiennent à la fois les semences de l’initiation nouvelle et les données fixes du milieu où ils naissent. Entre le besoin de glorifier le type qui s’élève et la nécessité de le glorifier avec l’imagination, avec les sentiments, avec les connaissances du moment, est limitée toute la latitude accordée aux mythes.

Voilà ce qui en fait la réalité ; ce qui en fait la beauté pénétrante est autre chose. Plus ils appartiennent à une théologie primitive, plus aussi ils se complaisent à s’égarer sans limite et sans fin dans la contemplation des forces de la nature divinisées et individualisées. L’imagination a peu de frein ; et, quoiqu’elle nous ait transmis sous cette inspiration et sous cette forme de splendides récits, là cependant n’est pas ce qui touche le plus, ce qui captive le mieux, ce qui tient le plus de vérité profonde. Mais quand l’humanité s’est dégagée davantage de ses liens avec le monde matériel et avec les forces qui le meuvent, et s’est repliée sur elle-même, alors ses légendes, s’adressant à des sentiments plus intimes, pénètrent au loin dans la nature humaine. Cette pénétration, qui en fait la puissance supérieure comme instrument de morale, est aussi ce qui en fait la beauté supérieure.

Ainsi dans l’établissement du christianisme se sont