Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/233

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lors du voyage à Bethléem, doute s’il doit la faire inscrire comme fille ou comme femme, parce qu’il craint, en se disant son mari, de devenir ridicule à cause de la différence d’âge[1]. Là même où, dans Matthieu, Marie est appelée la femme de Joseph, ἡ γυνή, l’apocryphe ne la désigne, par précaution, que sous le nom de la jeune fille, ἡ παῖς, et évite même volontiers le mot prendre, παραλαϐεῖν, ou le change en garder, διαφυλάξαι[2], ce que font aussi plusieurs Pères de l’Église. Reçue dès lors dans la maison de Joseph, Marie, d’après le Protévangile, fut chargée avec plusieurs jeunes filles de faire de l’étoffe pour le rideau du Temple, et il lui échut, par le sort, de travailler la pourpre. Cependant, tandis que Joseph est absent pour des affaires, Marie reçoit la visite de l’ange. Joseph, à son retour, la trouve enceinte, et l’interroge, non comme son fiancé, mais comme le gardien responsable de son honneur. Cependant elle a oublié les paroles de l’ange, et elle assure qu’elle ignore la cause de sa grossesse. Alors Joseph s’occupant de se débarrasser secrètement de la garde de Marie, l’ange lui apparaît en songe et le tranquillise par ses explications. L’affaire vient à la connaissance des prêtres ; et tous deux, à cause du soupçon d’incontinence, sont obligés de boire l’eau de l’épreuve, ὕδωρ ἐλέγξεως ; mais n’en ayant reçu aucun dommage, ils sont acquittés ; puis viennent le cens et la naissance de Jésus[3].

Ces récits apocryphes ont été tenus pour historiques pendant longtemps dans l’Église, et ils ont été expliqués, comme les récits canoniques, d’une façon miraculeuse d’après le point de vue du supranaturalisme ; de même, dans les temps modernes, ils n’ont pu, non plus que les

  1. Protev. Jac., c. 17.
  2. C. 14. Voyez les variantes dans Thilo, p. 227. Les passages des Pères de l’Église, dans le même, p. 365, note.
  3. Tel est le récit du Protévangile de Jacques, c. l0-16 ; celui de l’Évangile de la nativité de Marie est moins caractéristique, c. 8-10.