Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/237

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de n’avoir pas cru ; mais surtout, le soin que prend l’ange de donner à Joseph le nom de l’enfant attendu, avec les raisons détaillées de ce nom (Matthieu, 1, 21), aurait été tout à fait superflu, si l’ange (Luc, 1, 31) avait déjà indiqué ce nom à Marie.

Mais ce qui est encore plus incompréhensible, c’est la conduite des deux époux. Après l’apparition d’un ange qui lui annonçait une grossesse prochaine sans le concours de Joseph, qu’est-ce qu’une fiancée à sentiments délicats avait de plus pressé à faire que de communiquer à son fiancé le message céleste, pour prévenir la découverte déshonorante de son état par d’autres, et de mauvaises pensées dans l’esprit de son fiancé ? Mais justement Marie laisse faire cette découverte par d’autres, et excite par là le soupçon ; car évidemment les mots : on la trouva grosse, εὑρέθη ἐν γαστρὶ ἔχουσα (Matthieu, 1, 18), signifient que sa grossesse fut reconnue absolument sans sa participation ; évidemment aussi Joseph n’apprend l’état de Marie que de cette manière, car sa conduite est décrite comme la conséquence de cette découverte. Le Protévangile apocryphe de Jacques a senti tout ce qu’avait d’énigmatique une pareille conduite de la part de Marie, et il a essayé de lever la difficulté de la façon la plus conséquente peut-être du point de vue du supranaturalisme. Si Marie s’était souvenue, telle est l’argumentation sur laquelle repose le récit ingénieux de l’apocryphe, de la teneur du message céleste, elle devait le communiquer à Joseph ; comme elle ne paraît pas l’avoir fait, à en juger d’après la conduite de Joseph, il ne reste plus qu’à admettre que la communication mystérieuse qu’elle avait reçue dans un état d’exaltation s’effaça ensuite de son souvenir, et que la vraie cause de sa grossesse lui était inconnue à elle-même[1]. Dans le fait, pour le cas actuel, il n’y

  1. Protev. Jac., c. 12 : Marie oublia les mystères que lui avait appris Gabriel : Μαριὰμ δὲ ἐπελάθετο τῶν μυστηρίων, ὦν εἶπε πρὸς ἀυτὴν Γαϐριήλ. In-