Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/251

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de rapport prophétique qu’au Christ ; car les écrivains du Nouveau Testament les expliquent ainsi, et il faut qu’ils aient raison, quand même l’intelligence humaine devrait s’y confondre.

2. Opinion rationaliste (Paulus et d’autres) : Il n’est pas vrai que les écrivains du Nouveau Testament donnent aux prophéties de l’Ancien Testament cette signification strictement messianique ; car l’application au Christ est primitivement étrangère aux prophéties considérées à la lumière de la raison ; or, les écrivains du Nouveau Testament doivent s’accorder avec la raison, malgré tout ce qu’une foi vieillie peut dire à l’encontre.

3. Essai mystique de conciliation (Olshausen et d’autres) : Les passages de l’Ancien Testament renferment primitivement aussi bien le sens profond signalé par les écrivains du Nouveau Testament, que le sens prochain que la raison nous force à y reconnaître : ainsi s’accordent la saine raison et l’ancienne foi.

4. Décision de la critique : Les prophéties de l’Ancien Testament n’avaient très fréquemment qu’une application prochaine aux affaires du temps ; mais elles ont été regardées par les hommes du Nouveau Testament comme de véritables prophéties relatives à Jésus en qualité de Messie, parce que la raison était, chez ces hommes, modifiée par la manière de penser de leur peuple ; ce que le rationalisme et l’ancienne foi méconnaissent également[1].

  1. Toute l’explication rationaliste de l’Écriture repose sur un paralogisme palpable par lequel elle se défend, et avec lequel elle tombe. Voici en quoi il consiste :

    Les écrivains du Nouveau Testament ne doivent pas être expliqués comme s’ils disaient quelque chose de déraisonnable (il faudrait dire : rien qui contredise le développement de leur raison).

    Or, leurs paroles, interprétées d’une certaine façon, seraient contraires à la raison (c’est-à-dire contraires au développement de notre raison).

    En conséquence, ils ne peuvent pas avoir eu une telle opinion, et il faut les expliquer autrement.

    Qui ne voit ici l’inconséquence mortelle où tombe le rationalisme en se plaçant sur le même terrain que le supranaturalisme ? Tandis que, dans tout autre cas, on examine d’abord si ce qui est dit ou écrit est juste ou vrai, le rationalisme, contrairement à son principe, accorde, comme le supranaturalisme, aux hommes du Nouveau Testament, la prérogative d’être toujours dans le vrai.