Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/359

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communiqué quelque chose de leurs espérances extraordinaires à Siméon avant qu’il entamât son discours inspiré ; mais encore tout son récit tend à montrer que le pieux vieillard, en raison de l’esprit qui le remplissait, reconnut aussitôt l’enfant messianique, et c’est pour cela même que le narrateur insiste sur les relations de Siméon avec l’esprit saint, πνεῦμα ἅγιον, pour expliquer comment il put, sans communications antécédentes, reconnaître Jésus comme celui qui lui avait été promis, et prédire en même temps le cours de sa destinée. Tandis que notre évangile canonique met dans Siméon lui-même, mais en vertu d’un principe surnaturel, le signe qui fait reconnaître Jésus à ce vieillard, l’Evangelium infantiæ arabicum met ce signe dans la personne même de Jésus et dans sa présence[1], et ce livre apocryphe est plus dans l’esprit de la narration originale que l’explication naturelle, attendu qu’au moins il conserve le merveilleux. Mais remarquons qu’outre les raisons générales contre la possibilité des miracles, un miracle a, dans cette circonstance, une difficulté particulière : c’est qu’il n’est pas possible d’y trouver un but digne de l’intervention divine ; car on ne voit nulle part que cet événement de l’enfance de Jésus ait été un levier destiné à propager la croyance au Messie dans des cercles plus étendus. Il faudrait donc, et c’est aussi ce qu’entend l’évangéliste, v. 26-29, que le miracle n’eût eu d’autre but que Siméon et Anne, et que ce soit comme récompense de leur pieux espoir qu’il leur a été donné de reconnaître l’enfant messianique. Mais de justes idées sur la Providence ne permettent pas de croire qu’elle opère des miracles pour des fins aussi particulières.

On trouvera donc encore là un sujet de douter du caractère historique de la narration, d’autant plus que, d’après

  1. Cap. 6 : Viditque illum Simeon senex instar columnæ lucis refulgentem, cum domina Maria virgo, mater ejus, ulnis suis eum gestaret… et circumdabant cum angeli instar circuli, celebrantes illum, etc. ; dans Thilo, p. 71.