Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/416

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15), tenant aussi, comme plusieurs théologiens l’ont conjecturé[1], aux Esséniens, fut, d’après le dire de Luc (3, 2), appelé à paraître en public par une voix de Dieu, ῥῆμα Θεοῦ, qui se fit entendre à lui dans le désert. N’ayant plus ici sous les yeux la propre déclaration de Jean-Baptiste, nous n’acceptons pas comme complet le dilemme tel que Paulus le pose, en disant que l’on ne peut savoir si Jean a interprété un fait interne ou externe comme un appel de Dieu, ou si c’est la voix d’un autre homme qu’il a entendue ; et il faut ajouter, comme troisième possibilité, que ce sont peut-être ses adhérents qui ont placé la vocation de leur maître sous le sceau de cette expression qui rappelle les anciens prophètes.

Tandis que, d’après le récit de Luc, il semble que, si Jean-Baptiste a entendu la voix divine dans le désert seulement, ἐν τῇ ἐρήμῳ, il s’est rendu, pour enseigner et baptiser, dans les environs du Jourdain, περίχωρος τοῦ Ἰορδάνου (v. 3) ; Matthieu (3, 1 seq.) fait, du désert même de la Judée, le théâtre de la prédication et du baptême de Jean, comme si le Jourdain, dans lequel il baptisait, traversait ce désert. À la vérité, d’après Josèphe, ce fleuve coule, avant son embouchure dans la mer Morte, à travers un grand désert, πολλὴν ἐρημίαν[2], mais ce n’est pas, à proprement parler, le désert de Judée, situé beaucoup plus au sud. En conséquence, on a voulu trouver ici une erreur du premier évangéliste qui, séduit par l’analogie de la prophétie, voix de celui qui crie dans le désert, φωνὴ βοῶντος ἐν τῇ ἐρήμῳ, place dans le désert de Judée, ἔρημος τῆς Ἰουδαίας, d’où Jean provenait, le ministère de prédication et de baptême dont réellement la florissante vallée du Jourdain avait été le théâtre[3]. Cependant, si l’on porte plus loin les yeux dans l’évangile de

  1. Stäudlin, Geschichte der Sittenlehre Jesu, 1, S. 580. Paulus, Exeg. Handb., 1, a, S. 136. Comparez aussi Creuzer, Symbolik, 4, S. 413 ff.
  2. Bell. jud. 3, 10, 7.
  3. Schneckenburger, über den Ursprung u. s. f. S. 38 f.