Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/428

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il sera dans un rapport de subordination. La scène, lors du baptême, lui désigne manifestement Jésus comme celui dont il est le précurseur ; nous devons supposer, d’après Marc et Luc, qu’il a ajouté foi au signe céleste. D’après le quatrième évangile (1, 34), il en donne un témoignage exprès, et il prononce en outre des paroles qui prouvent que son regard pénètre profondément dans la nature et la vocation supérieure de Jésus (1, 29 seq., 36. 3, 27 seq.) ; d’après le premier évangile, il en était convaincu dès avant le baptême de Jésus. Or, en contradiction avec tout ce qui précède, Matthieu (11, 2 seq.) et Luc (7, 18 seq.) rapportent que, plus tard, Jean-Baptiste, à la nouvelle du rôle que jouait Jésus, dépêcha auprès de lui quelques uns de ses disciples, chargés de lui demander s’il était le Messie promis, ou si l’on devait en attendre un autre.

À la première impression, il semble que cette demande exprime une incertitude de Jean-Baptiste sur la réalité du caractère messianique de Jésus, et c’est aussi de cette façon que de bonne heure elle a été entendue[1] ; mais un pareil doute est dans la contradiction la plus formelle avec toutes les autres circonstances que les évangiles nous racontent. Au point de vue psychologique, on trouve inconcevable, et avec raison, que celui qui, convaincu ou fortifié dans sa croyance par le signe qui avait été manifesté lors du baptême de Jésus et qu’il avait regardé comme une manifestation divine, se prononça dès lors, avec tant de précision, sur la vocation messianique et la nature supérieure de Jésus, que celui-là, disons-nous, fût tout à coup devenu chancelant dans sa persuasion. Il aurait donc ressemblé à un roseau agité en différents sens par le souffle du vent, comparaison dont Jésus, à ce même endroit (Matth., 11, 7), écarte l’appli-

  1. Par exemple, Tertull. adv. Marcion., 4, 18. Comparez des détails plus étendus sur les différentes significations de ce passage dans Bengel, Remarques historico-exégétiques sur Matth., 11, 2-19, Archiv., 1, 3, S. 754 ff.