Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/430

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est le seul qui se méprenne sur les paroles de Jésus au point de croire que Jésus n’aurait pas pu les prononcer si les disciples de Jean ne l’avaient trouvé donnant des preuves de son pouvoir surnaturel. De plus, si c’était le dessein de Jean-Baptiste de convaincre ses disciples par le spectacle des œuvres de Jésus, il n’avait pas besoin de les charger d’une demande qui ne semblait avoir d’autre but que de provoquer une réponse verbale, une déclaration authentique de Jésus. En effet, une déclaration de celui dont justement il révoquait en doute la messianité, n’avait aucune chance pour convaincre ses disciples, qui n’avaient pas été convaincus par ses propres déclarations, ordinairement péremptoires pour eux. Dans tous les cas, Jean-Baptiste se serait conduit singulièrement en prêtant l’autorité de ses paroles à des doutes étrangers, et en compromettant par là, ainsi que Schleiermacher l’observe avec raison, le témoignage répété qu’il avait rendu précédemment en faveur de Jésus. Dans le lait, Jésus comprend la demande qui lui est apportée par le messager comme venant de Jean lui-même (annoncez à Jean, ἀπαγγείλατε Ἰωάννῃ, Matth., 11, 4), et il se plaint indirectement de son incertitude en louant ceux qui ne se scandalisent pas de lui, Jésus, v. 6[1].

Il reste donc établi, d’une part, que Jean a fait adresser la demande, non pour ses disciples, mais pour lui-même ; d’autre part, qu’en raison de sa conviction antérieure, on ne peut lui attribuer, tout à coup, en ce moment, des doutes sur la messianité de Jésus ; il ne reste plus qu’à abandonner le côté négatif de la question, qu’à en saisir le côté positif, et à la comprendre comme si le doute qui y est exprimé servait simplement d’enveloppe à un véritable langage d’encouragement[2]. D’après cette explication, Jean-Baptiste,

  1. Comparez Calvin sur ce passage, et Bengel, l. c., S. 753 ff.
  2. Cette explication est adoptée par la plupart des interprètes actuels : Paulus et Kuinœl sur ce passage ; Bengel dans le mémoire cité ; Hase, Leben Jesu,