Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/431

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dans sa prison, trouve trop long le temps que Jésus laisse passer sans se déclarer publiquement comme Messie ; en conséquence, il envoie ses disciples lui demander jusqu’à quand il se fera attendre, jusqu’à quand il hésitera à gagner à lui la meilleure partie du peuple en se disant le Messie, et à frapper, contre les ennemis de sa cause, un coup décisif, qui, peut-être, délivrerait aussi lui, Jean, de sa prison. Mais, si Jean-Baptiste, justement parce qu’il regardait Jésus comme le Messie, attendait de lui sa délivrance, peut-être miraculeuse, et la lui demandait, il ne pouvait pas envelopper dans un doute une prière qui partait de sa foi en la messianité de Jésus. Or, la question dans notre texte évangélique est toute dubitative, et il faut y introduire une expression d’encouragement pour l’y trouver. La violence qu’il est besoin de faire aux mots est grande ; cela est particulièrement manifeste par la signification que Schleiermacher leur impose, en conformité avec cette explication. La question indécise : Es-tu celui qui doit venir ? Σὺ εἶ ὁ ἐρχόμενος, il la transforme en la proposition précise : Tu es bien celui qui doit venir. La seconde question, encore plus embarrassante : ou bien en attendons-nous un autre ? ἢ ἕτερον προσδοκῶμεν, il la rend tout à fait méconnaissable en la tournant de la façon suivante : Pourquoi, puisque tu fais de si grandes choses, devons-nous encore attendre, et ne faut-il pas que Jean commande aussitôt par notre intermédiaire, avec toute son autorité, à ceux qui se sont fait baptiser par lui, de t’obéir comme au Messie, et d’être attentifs à tes signes ! Neander a voulu rendre possible ce changement de sens, en renonçant à admettre que les paroles de Jésus nous aient été, ici, fidèlement conservées. Mais la simple sommation adressée à Jésus ne s’accorde pas avec l’idée que Jean-Baptiste s’était faite de lui, et qu’il avait

    § 88 ; Theile, Zur Biogr. Jesu, § 22. Fritzsche même, Comm. in Matth., p. 397, trouve cela aliquanto verosimilius, et il s’en tient là.