Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/432

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exprimée précédemment ; elle ne s’accorde pas dans la forme : car si Jean n’a pas douté de la messianité et de la nature supérieure de Jésus, il n’a pas pu douter, non plus, que Jésus dût connaître mieux que personne le moment et la manière de se montrer comme Messie ; elle s’accorde encore moins dans le fond : Jean-Baptiste ne pouvait nullement se scandaliser de ce qu’on nomme l’hésitation de Jésus à prendre le rôle de Messie, ni le sommer d’agir plus rapidement, s’il avait conservé sa première conviction sur la destination de Jésus. Cette opinion était (Joh. 1, 29) que Jésus était l’agneau de Dieu, celui qui prend le péché du monde, ὁ ἀμνὸς τοῦ Θεοῦ, ὁ αἴρων τὴν ἁμαρτίαν τοῦ κόσμου, par conséquent le Messie souffrant ; il était donc impossible que Jean pensât à un coup que Jésus devait frapper contre ses ennemis, et en général à des violences que couronnerait une victoire extérieure ; mais la voie paisible que suivait Jésus devait justement lui paraître la voie véritable, celle qui était conforme à sa destination d’agneau. En conséquence, si la question de Jean contenait une simple sommation, il aurait, par cela seul, contredit ses convictions antérieures.

Tous ces expédients ne servant à rien, nous revenons à l’explication primitive, c’est-à-dire nous revenons à comprendre la question comme l’expression d’un doute né dans l’âme même de Jean-Baptiste sur la dignité messianique de Jésus ; c’est aussi ce que Neander regarde comme le plus naturel[1]. Ce théologien cherche à expliquer l’oubli momentané où Jean-Baptiste tomba de ses premiers témoignages pleins de foi, en disant que, dans son obscure prison, l’homme de Dieu eut une heure cruelle de doute ; et en preuve, il invoque l’exemple d’hommes qui, persécutés pour la foi chrétienne ou pour d’autres convictions, finirent, après avoir longtemps rendu, sans crainte de la mort,

  1. L. J. Chr., S. 86 ff. ; Olshausen, z. d. St.