Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/452

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ce baptême spirituel (v. 33). Toute cette scène a, dans Luc, pour but et pour signification d’établir la messianité de Jésus par le refus de Jean-Baptiste, qui décline ce caractère, et qui le transporte sur un autre qui doit venir après lui ; elle a dans le quatrième évangéliste la même signification, seulement avec plus de poids encore. Il est difficile, avec deux récits aussi voisins l’un de l’autre, d’admettre que ce ne soit pas un seul événement qui en fasse le fondement[1]. On demandera donc quel est celui des deux évangélistes qui le reproduit avec le plus de fidélité. Remarquons d’abord que le récit de Luc ne présente aucune invraisemblance intrinsèque ; on comprend facilement comment la foule, rassemblée autour de Jean-Baptiste, put, dans des moments d’enthousiasme, considérer comme le Messie lui-même l’homme qui annonçait l’approche du royaume messianique, et qui baptisait au nom de ce royaume. Mais, d’un autre côté, il ne convient pas moins au droit de surveillance que le Sanhédrin exerçait sur les docteurs publics, et qu’il fit aussi valoir à l’égard de Jésus (Matth., 21, 23), que cette corporation ait, ainsi que le raconte le quatrième évangéliste, fait interroger Jean-Baptiste au sujet de sa vocation. Cette scène précède d’après Luc, suit d’après le quatrième évangéliste, le baptême de Jésus ; mais il n’y a là aucun motif de nous décider pour l’un ou l’autre récit : car, d’une part, Jean-Baptiste, même avant de baptiser Jésus, a dû désigner le Messie comme un personnage qui était encore attendu, et qui était supérieur à lui, Jean, et Luc ne dit rien de plus ; d’autre part, le quatrième évangile, d’après lequel la scène du baptême est, à ce moment, supposée avoir déjà eu lieu, en signalant d’une manière plus

  1. Bleek, l. c, S. 426 ; De Wette, l. c, S. 26 f. Lücke (p. 339 de son Commentaire) avoue aussi que l’opinion qui considère les deux narrations comme identiques, a beaucoup d’apparence en sa faveur ; que lui-méme (p. 342) se déclare pour la distinction de ces deux récits, mais que son seul motif, en cela, est le désir avoué de conserver leur valeur aux deux récits évangéliques.