Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/469

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Les récits ne nous permettent pas de concevoir la scène autrement que comme une manifestation sensible à la vue et à l’ouïe, et c’est aussi de cette façon qu’ils ont été de tout temps compris par la plupart des interprètes. Mais si l’on veut se représenter les choses comme s’étant ainsi passées réellement, la réflexion éclairée se heurte contre des difficultés qui ne sont pas sans importance. D’abord, supposer que, pour l’apparition d’un être divin sur la terre, le ciel visible doit s’ouvrir afin que cet être puisse descendre de sa résidence habituelle, c’est là une supposition qui, sans doute, n’a rien de réel, et qu’il faut seulement considérer comme l’opinion d’un temps où l’on s’imaginait que le séjour de Dieu était au-dessus de la voûte solide du ciel. En outre, l’Esprit-Saint est, d’après de justes idées, la force divine qui remplit tout ; comment donc concevoir qu’il puisse, comme un être fini, se mouvoir d’un lieu à un autre, et même se métamorphoser en colombe ? Enfin, dire que Dieu a prononcé, dans la langue d’un peuple, des paroles humaines et articulées, c’est ce qui a été trouvé, avec raison, extravagant[1].

Déjà, dans l’ancienne Église, des pères plus éclairés en étaient venus à penser, surtout pour ce qui regarde les voix célestes de l’Ancien Testament, que c’étaient, non, à proprement parler, des sons extérieurs nés du mouvement de l’air, mais des impressions internes que Dieu produisait en ceux à qui il voulait se communiquer ; et c’est ainsi que Origène et Théodore de Mopsueste ont soutenu positivement que l’apparition lors du baptême de Jésus était une vision et non une réalité, ὀπτασία, οὐ φύσις[2]. « Pour les simples, dit Origène, c’est, dans leur simplicité, peu de chose que de mettre l’univers en mouvement et de fendre une masse

  1. Bauer, Hebr. Mythologie, 2. S. 225 f. Comparez Gratz, Comm. zum Evang. Matth., 1, S. 172 ff.
  2. Ce sont les expressions de Théodore, dans Münter. Fragmenta patr. græc. Fasc, 1, p. 142. Orig. C. Cels., 1, 48. Comparez Basil. M., dans le Thesaurus de Suicer, 2, p. 1479.