Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’autres, plus dominés par les idées populaires et portés par le développement de leur esprit vers le raisonnement sophistique, suivirent une voie opposée : pour eux tout le fond divin et absolu des légendes s’était complètement évanoui ; mais ils comprenaient également que toutes ces histoires des dieux, que ces actes qu’on leur attribuait, n’avaient rien de divin : aussi conservèrent-ils à ces récits le caractère d’une histoire véritable ; seulement des dieux qui en étaient les objets, ils firent, avec Evhémère[1], des hommes, des héros et des sages des premiers âges, d’anciens rois et tyrans, qui, par des actions de force et de puissance, s’étaient attiré des honneurs divins[2]. On alla même, avec Polybe[3] et d’autres, jusqu’à considérer toute la doctrine des dieux comme une fable inventée par les fondateurs des États pour contenir le peuple.


§ III.


Interprétation allégorique chez les Hébreux. — Philon.

La stabilité du peuple hébreu, son attachement tenace au point de vue surnaturel, durent, il est vrai, borner, chez lui, le développement de semblables manifestations ; mais, d’un autre côté, ces manifestations, du moment qu’elles apparurent, furent une singularité d’autant plus frappante, que l’autorité des livres sacrés était plus impérieuse, et qu’il fallait procéder à leur interprétation avec plus d’art

    l’emploi de l’allégorie. Mais, des deux côtés, il y a une religion et une civilisation en dissidence avec elle et s’efforçant de se tenir en accord à l’aide d’une interprétation. À la vérité, la dissidence se manifeste plus du côté moral dans un des cas, et plus du côté intellectuel dans l’autre ; mais cela ne laisse pas moins subsister la possibilité d’une comparaison.

  1. Diodor. Sic., Bibl. fragm., l. vi, Cic., De nat. Deor. 1, 42.
  2. « Ces gens positifs, dit O. Müller, Proleg. zu einer wissenschaftlichen Mythologie, retiraient, des mythes, le merveilleux, l’impossible, le fantastique : le reste, quelque intimement que le tout fût réuni, était pris par eux comme résultat historique, et à ces prétendus événements ils supposaient, pour les enchaîner, les motifs qui convenaient à leur propre époque. » C’est là justement l’image d’une interprétation de l’histoire biblique dont il sera question § vi.
  3. Hist., vi, 56.