Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/16

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— Victorieuses ou mortes, vous nous reverrez ! ajouta Madalèn, une de nos parentes, jeune vierge de seize ans ; — mais esclaves ou déshonorées ! non… par le glorieux sang de notre Hêna… non… jamais !

— Non !… — reprit Martha, la femme de Mikaël, en pressant sur son sein ses deux enfants, que mon frère venait de replacer sur le chariot.

— Ces chères filles sont de notre race… Sois sans inquiétude, Joel, reprit Mamm’Margarid, toujours calme et grave ; elles feront leur devoir.

— Comme nous ferons le nôtre… Et ainsi la Gaule sera délivrée, dit mon père. Toi aussi, tu feras ton devoir, vieux mangeur d’hommes, vieux Deber-Trud ! ajouta le brenn en caressant la tête énorme du dogue de guerre qui, malgré sa chaîne, s’était dressé debout et appuyait ses pattes à l’épaule du cheval. Bientôt viendra l’heure de la curée ! bonne et sanglante curée, Deber-Trud ! Hèr ! hèr !… aux Romains !…

Pendant que le dogue et la meute de combat semblaient répondre à ces mots par des aboiements féroces, le brenn, mon frère et moi, nous avons jeté un dernier regard sur notre famille ; puis mon père a tourné la tête de son fier étalon Tom-Bras vers les rangs de l’armée, et l’a rapidement rejointe. J’ai suivi mon père, tandis que Mikaël, agile et robuste, tenait fortement serrée dans sa main gauche une poignée de crins de la longue crinière de mon cheval lancé au galop, m’accompagnait en courant ; parfois, s’abandonnant à l’élan de ma monture, il bondissait avec elle, et était ainsi soulevé de terre pendant quelques pas… Mikaël et moi, comme bien d’autres de la tribu, nous nous étions, en temps de paix, familiarisés avec le mâle exercice militaire de la mahrek-ha-droad.

Le brenn, mon frère et moi, nous avons ainsi rejoint notre tribu et notre rang de bataille.

L’armée gauloise occupait le faite d’une colline éloignée de Vannes