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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/17

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d’une lieue ; à l’orient, notre ligne de bataille s’appuyait sur la forêt de Merek, occupée par nos meilleurs archers ; à l’occident, nous étions défendus par les hauteurs escarpées du rivage que baignaient les eaux de la baie du Morbihan… Au fond de cette baie était ancrée notre flotte, où se trouvaient alors mon frère Albinik et sa femme Méroë. Nos vaisseaux commençaient à lever leurs câbles de fer pour aller combattre les galères romaines, disposées en croissant et immobiles comme une volée de cygnes de mer reposés sur les vagues. N’étant plus pilotée par Albinik, la flotte de César, remise à flot lors de la marée haute, gardait sa position de la veille, de peur de tomber sur des écueils qu’elle ignorait.

À nos pieds coulait la rivière de Roswallan : les Romains devaient la traverser à gué pour venir à nous. Le chef des cent vallées avait habilement choisi notre position : nous avions devant nous une rivière, derrière nous la ville de Vannes ; à l’occident, la mer ; à l’orient la forêt de Merek ; sa lisière abattue offrait des obstacles insurmontables à la cavalerie ennemie, et beaucoup de dangers à l’infanterie, nos meilleurs archers étant disséminés au milieu de ces grands abatis de bois.

Le terrain qui nous faisait face de l’autre côté de la rivière s’élevait en pente douce ; ses hauteurs nous cachaient la route par laquelle devaient arriver l’armée romaine. Soudain nous avons vu apparaître au faîte de cette colline, et descendre son versant à toute bride, en venant vers nous, des montagnards d’Arès envoyés en éclaireurs pour nous signaler l’approche de l’ennemi. Ils traversèrent la rivière à gué, nous rejoignirent, et nous annoncèrent l’avant-garde de l’armée romaine.

— Amis, avait dit le chef des cent vallées à chaque tribu, en passant à cheval devant le front de bataille de l’armée, — restez immobiles jusqu’à ce que les Romains, rassemblés sur l’autre bord de la rivière, commencent à la traverser ; à ce moment, les frondeurs et les archers épuiseront leurs pierres et leurs flèches sur l’ennemi ;