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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/273

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LES MYSTÈRES DU PEUPLE.

putes ; de temps à autre, quelques hommes de la milice de Jérusalem entraient dans la taverne sous prétexte d’y rétablir le bon ordre, et en sortaient, ou plus avinés et plus turbulents que les buveurs, ou chassés à coups de bâton et de pierre.

Le lendemain du jour où avait eu lieu le souper chez Ponce-Pilate, vers le soir, à la nuit tombée, deux jeunes garçons, simplement vêtus d’une tunique blanche et d’un turban de laine bleue, se promenaient dans une petite rue tortueuse au bout de laquelle on apercevait la porte de la redoutable taverne ; ils causaient en marchant, et souvent tournaient la tête vers l’une des extrémités de la rue, comme s’ils eussent attendu la venue de quelqu’un.

— Geneviève, — dit l’un d’eux à son compagnon en s’arrêtant (ces deux prétendus jeunes gens étaient Aurélie et son esclave déguisées sous des habits masculins), — Geneviève, ma nouvelle amie Jeane tarde bien à venir ; cela m’inquiète ; et puis, s’il faut te l’avouer, je crains de faire une folie…

— Alors, ma chère maîtresse, rentrons au logis.

— J’en ai grande envie… et, pourtant, retrouverai-je jamais une occasion pareille ?…

— Il est vrai que l’absence du seigneur Grémion, votre mari, parti ce matin avec le seigneur Chusa, l’intendant du prince Hérode, vous laisse complètement libre, et que, de longtemps peut-être vous ne jouirez d’une liberté pareille…

— Avoue, Geneviève, que tu es encore plus curieuse que moi de voir cet homme extraordinaire, ce jeune maître de Nazareth ?

— Cela serait, ma chère maîtresse, qu’il n’y aurait rien d’étonnant dans mon désir : je suis esclave, et le Nazaréen dit qu’il ne doit plus y avoir d’esclaves.

— Je te rends donc la servitude bien dure, Geneviève ?

— Non, oh ! non !… Mais, sincèrement, connaissez-vous beaucoup de maîtresses qui vous ressemblent ?

— Ce n’est pas à moi à répondre à cela… flatteuse.