— C’est à moi de le dire… S’il se rencontre par hasard une bonne maîtresse comme vous, il y en a cent qui, pour un mot, pour la moindre négligence, font déchirer leurs esclaves à coups de fouet, ou les torturent avec une joie cruelle… Est-ce vrai ?…
— Je ne dis pas non…
— Vous me rendez la servitude aussi douce que possible, ma chère maîtresse ; mais enfin, je ne m’appartiens pas… J’ai été obligée de me séparer de mon pauvre Fergan, mon mari, qui a tant pleuré en me quittant… Qui me dit qu’à notre retour je le retrouverai à Marseille ? qu’il n’aura pas été vendu et emmené je ne sais où ?… Qui me dit que le seigneur Grémion ne me vendra pas moi-même, ne me séparera pas de vous ?…
— Je t’ai promis que tu ne me quitterais pas.
— Mais si votre époux voulait me vendre, vous ne pourriez l’en empêcher…
— Hélas ! non…
— Et il y a cent ans nos pères et nos mères, à nous Gaulois, étaient libres pourtant !… Les aïeux de Fergan étaient les plus vaillants chefs de leur tribu !…
— Oh ! — dit Aurélie en souriant, — la fille d’un César ne serait pas plus fière d’avoir un empereur pour père, que tu ne l’es, toi, de ce que tu appelles les aïeux de ton mari.
— La fierté n’est pas permise aux esclaves, — reprit tristement Geneviève ; — tout ce que je regrette, c’est notre liberté… Qu’avons-nous donc fait pour la perdre ?… Ah ! si les vœux de ce jeune homme de Nazareth étaient exaucés… s’il n’y avait plus d’esclaves !…
— Plus d’esclaves ? Mais, Geneviève, tu es folle ; est-ce que c’est possible ?… Plus d’esclaves ? Qu’on leur rende la vie le moins dure possible, soit ; mais, plus d’esclaves, ce serait la fin du monde. Vois-tu, Geneviève, ce sont ces exagérations-là qui font tant de tort à ce jeune homme de Nazareth.
— Il n’est pas aimé des puissants et des heureux… Hier, à ce sou-