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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/136

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— Tu sais cependant que celui qui ne tient pas droit son flambeau est régalé, hi… hi… de cinquante coups de fouet ?

— Seigneur… la force me manque…

— Tu me l’assures ?

— Oh ! oui, seigneur… quelques moments de plus et le flambeau s’échappait de mes doigts engourdis.

— Pauvre vieux… allons, éteins ton flambeau…

— Grâces vous soient rendues, seigneur.

— Un moment… que vas-tu faire ?

— Souffler sur la mèche du flambeau pour l’éteindre…

— Oh ! mais ce n’est point ainsi que je l’entends, moi… hi… hi… hi…

Et Neroweg, caressant toujours sa moustache, jeta de nouveau sur ses leudes un regard ironique et sournois.

— Seigneur, comment voulez-vous que j’éteigne mon flambeau ?

— Je veux que tu l’éteignes entre tes genoux (G).

À cette plaisante idée du comte, les Franks applaudirent par des cris et des rires sauvages ; le vieux Gaulois trembla de tous ses membres, regarda Neroweg d’un air suppliant et murmura :

— Seigneur… mes genoux sont nus et le flambeau est ardent.

— Eh ! vieille brute… crois-tu que je t’ordonnerais d’éteindre cette torche entre tes genoux s’ils étaient couverts de jambards de fer ?

— Seigneur… mon bon seigneur… ce sera pour moi une grande douleur ; par pitié ne m’imposez pas ce supplice !

— Bah ! tes genoux, ça n’est que des os ! Hi… hi… hi…

Cette saillie du comte redoubla les joyeusetés des leudes.

— Je n’ai que la peau et les os, c’est vrai, — répondit le vieillard tâchant de rire aussi afin d’apitoyer son maître, — je suis très-chétif… épargnez-moi donc ce mal, s’il vous plaît, mon bon seigneur.

— Écoute… si tu n’éteins pas à l’instant ce flambeau entre tes genoux, je te fais saisir par mes hommes, et moi je t’éteins la torche au fond du gosier… choisis donc et sur l’heure.