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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/148

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— Bien, bien, mon cher fils ! Retirez-vous de ce misérable menteur, larron et blasphémateur !… Votre innocence sera vitement reconnue, votre piété aura sa récompense.

— Oh ! je le sais, mon bon père ! aussi l’épreuve me semble lente à venir.

— Ce chien étant déclaré coupable par le jugement de Notre-Seigneur tout-puissant, subira la peine de son larcin : il aura l’oreille gauche coupée. Maintenant, passons à l’épreuve des fers ardents ; car si le premier témoignage prouve la laronnerie de cet esclave, cela ne prouve pas que l’autre soit innocent… Tous deux, je le répète, peuvent s’être entendus pour voler mon écuelle.

— Oh ! mon noble seigneur, je ne redoute rien, — s’écria Justin le cuisinier, la figure rayonnante d’une céleste confiance. — Je bénis Dieu de m’avoir réservé cette occasion de montrer une foi profonde dans notre sainte religion catholique, et de triompher une seconde fois des accusations des méchants… Mais, fidèle à tes commandements, ô Seigneur, je triompherai avec humilité.

Pendant que ce bon croyant attendait impatiemment le nouveau triomphe de son innocence, le clerc, selon l’usage, alla consacrer et conjurer les fers au milieu du brasier, de même qu’il avait conjuré l’eau dans la cuve. À ces fers ardents, il ordonna, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, de respecter la plante des pieds de l’esclave s’il était innocent, et de la lui brûler jusqu’aux os s’il était coupable.

La conjuration terminée, les forgerons des écuries retirèrent, à l’aide de fortes tenailles, les socs de charrue de la fournaise, les rangèrent tous les neuf à plat sur le sol, à deux ou trois pouces de distances les uns des autres ; on eût dit un énorme gril, d’une forme étrange, rougi au feu.

— Dépêchons, — dit le comte, — que les socs ne refroidissent pas.

— Quelle danse ce renardeau va danser sur ces fers ardents, s’il s’est entendu avec l’autre pour voler l’écuelle !