Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/17

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çonnant les évêques, pendant même parfois les plus méchants de ces prêtres, assommant et dévalisant les collecteurs du fisc royal ; mais donnant généreusement au pauvre monde ce qu’ils reprenaient aux riches prélats, aux comtes franks, ces premiers pillards de la Gaule, et délivrant les esclaves qu’ils rencontraient enchaînés par troupeaux… Ah ! par Aëlian et Aman, patrons des Bagaudes, c’est une belle et joyeuse vie que celle de ces gais et vaillants compères !… Si je n’étais revenu en Bretagne pour y voir encore une fois ma vieille mère, j’aurais avec eux couru un peu la Bagaudie en Anjou !

— Et pour être reçu parmi ces intrépides, que faut-il faire ?

— Il faut, mon brave garçon, faire d’avance sacrifice de sa peau, être robuste, agile, courageux, aimer les pauvres gens, jurer haine aux comtes et aux évêques franks, festoyer le jour, bagauder la nuit.

— Et où sont leurs repaires ?

— Autant demander aux oiseaux de l’air où ils perchent, aux animaux des bois où ils gîtent ? Hier, sur la montagne ; demain, dans les bois ; tantôt faisant six lieues en une nuit, tantôt restant huit jours dans son repaire, le Bagaude ignore aujourd’hui où il sera demain…

— C’est donc un heureux hasard de les rencontrer ?

— Heureux hasard pour les bonnes gens, mauvais hasard pour le comte, l’évêque, ou le collecteur du fisc royal !

— Et c’est en Anjou que vous avez rencontré cette Bagaudie ?

— Oui, en Anjou… dans une forêt à huit lieues environ d’Angers, où je me rendais…

— Le voyez-vous, Karadeuk, mon favori ?… Regardez-le donc… quels yeux brillants, quelles joues enflammées ; certes, si cette nuit il ne rêve pas des petites Korrigans, il rêvera de Bagaudie ; ai-je tort, mon enfant ?

— Grand-père, je dis, moi, que les Bretons et les Bagaudes sont et seront les derniers Gaulois… Si je n’étais Breton, je voudrais courir la Bagaudie contre les Franks et les évêques…