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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/18

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— Et, m’est avis, mon petit-fils, que tu vas la courir une fois la tête sur ton chevet ; donc, bon rêve de Bagaudie, je te souhaite, mon favori… Va te coucher, il se fait tard, et tu inquiètes sans raison ta pauvre mère.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il y a trois jours, j’ai interrompu ce récit.

Je l’écrivais vers la fin de la journée où le colporteur, après la nuit passée dans notre maison, avait continué son chemin. Lorsqu’au matin il partit, la tempête s’était calmée. Je dis à Madalèn, en lui montrant le porte-balle, qui, déjà loin, et au détour de la route, nous saluait une dernière fois de la main :

— Eh bien, pauvre folle ? pauvre mère alarmée… les dieux en courroux ont-ils frappé Karadeuk, non favori, pour le punir de vouloir rencontrer des Korrigans ? Où est le malheur que cet étranger devait attirer sur notre maison ?… La tempête est apaisée, le ciel serein, la mer calme et bleue… pourquoi votre front est-il toujours triste ? Hier, Madalèn, vous disiez : « Demain appartient à Dieu ! » Nous voici au lendemain d’hier, qu’est-il advenu de fâcheux ?

— Vous avez raison, bon père… mes pressentiments m’ont trompée ; pourtant je suis chagrine, et toujours je regrette que mon fils ait ainsi parlé des Korrigans.

— Tenez, le voici, notre Karadeuk, son limier en laisse, bissac au dos, arc en main, flèche au côté ; est-il beau ! est-il beau ! a-t-il l’air alerte et déterminé !

— Où allez-vous, mon fils ?

— Ma mère, hier vous m’avez dit : Nous manquons depuis deux jours de venaison… Le temps est propice, je vais tâcher d’abattre un daim dans la forêt de Karnak ; la chasse peut être longue, j’emporte des provisions dans mon bissac.

— Non, Karadeuk, vous n’irez point aujourd’hui à la chasse, non, je ne le veux pas…

— Pourquoi cela, ma mère ?