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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/229

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— Ah ! chiens bâtards ! — cria Neroweg, séparé du Lion de Poitiers par Sigefrid, qui s’était jeté entre eux, — vous parlez d’épées… en voici une, et de bonne trempe ; tu vas l’éprouver, luxurieux blasphémateur, toi qui n’as du lion que le nom… À moi, mes leudes ! on a porté la main sur votre compagnon de guerre !…

— Neroweg ! — s’écria Chram en s’interposant encore ; car son favori, débarrassé de Sigefrid, revenait l’épée haute vers le comte. — Êtes-vous fous de vous quereller ainsi ?… Lion, je t’ordonne de rengaîner cette épée…

— Oh ! béni sois-tu, grand Saint-Martin ! de me donner l’occasion de châtier ce sacrilège, qui a eu l’audace de lever sa houssine sur mon saint patron l’évêque, et qui, depuis son entrée dans le burg, ne cesse de me railler ! — s’écria le comte, sourd aux paroles de Chram, et tâchant de rejoindre son adversaire dont il venait encore d’être séparé au milieu du tumulte croissant.

— Enfants ! défendons Neroweg ! — s’écria Sigefrid ; — l’occasion est bonne pour montrer enfin à ces fanfarons que nos vieilles épées rouillées valent mieux que leurs épées de parade. Aux armes ! aux armes !…

— Et nous aussi, aux armes ! Finissons en avec ces dogues de basse-cour !

— Ils se croient forts parce qu’ils sont dans leur niche.

— Défendons le favori du roi Chram, notre roi !

— Mes chers fils en Dieu ! — criait l’évêque, tâchant de dominer le tumulte et le vacarme croissant à chaque instant, — je vous ordonne de remettre vos glaives dans le fourreau ! c’est affliger le Seigneur que de combattre pour de futiles querelles…

— Mes amis ! — criait de son côté Chram, sans pouvoir être entendu, — c’est folie, stupidité, de s’entr’égorger ainsi… Imnachair ! Spatachair ! mettez donc le holà… apaisez nos hommes… et toi, Neroweg, calme les tiens au lieu de les exciter.

Vaines paroles… Et d’ailleurs Neroweg ne les pouvait entendre…