Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/273

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ressaisira les droits sacrés dont l’a dépouillé la conquête ! alors, oh ! alors, pour tous, paix, travail, bonheur et liberté ! »

— Ronan, — dit Kervan après avoir, ainsi que sa famille, attentivement écouté le Vagre, — Loysik parlait avec une grande sagesse… Ses conseils ont-ils été suivis par tes compagnons ?

— Oui… le plus grand nombre des Vagres acceptèrent l’offre de Loysik : quelques-uns continuèrent leur vie aventureuse ; mais ils promirent à Loysik de ne pas entrer en Bourgogne… et depuis, nous n’avons plus entendu parler d’eux ; car, ainsi que le disait mon frère, le temps des grands soulèvements populaires n’est pas encore venu, il faut le reconnaître avec regret, avec douleur… Parmi ceux qui peuplent aujourd’hui la vallée de Charolles, plusieurs, préférant le célibat, ont adopté la règle des moines laboureurs, sous la direction de Loysik ; mais la majorité de nos compagnons, formant la colonie laïque établie autour du monastère, se sont mariés, soit à des femmes qui couraient avec nous la Vagrerie, soit aux filles des colons voisins… J’ai épousé la petite Odille et le Veneur l’évêchesse ; les artisans, que l’esclavage et la misère avaient conduits en Vagrerie, reprirent leurs anciens métiers, et travaillèrent pour la colonie ; d’autres se livrèrent à la culture des terres, des vignes, à l’élevage des bestiaux. Je suis devenu bon laboureur, et ma petite Odille, habituée dès son enfance à soigner les troupeaux dans les montagnes où elle est née, s’occupe des mêmes soins ; l’évêchesse file sa quenouille, tisse la toile, en digne ménagère, et dirige l’hospice ouvert pour les femmes malades ; de même que Loysik dirige l’hospice des hommes, fondé par lui dans son monastère ; il est aussi l’arbitre souverain des rares démêlés qui s’élèvent entre nous ; car je vous le dirai, Kervan, et vous me croirez, au bout de six mois de séjour dans cette fertile vallée de Charolles, nous, jadis Vagres errants et indomptés, nous étions devenus, selon le vœu de mon frère, des hommes de paix, de travail et de famille.

— Ah ! Ronan ! Loysik disait vrai : puisque les évêques n’ont pas