Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/274

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osé, comme nos druides vénérés, prêcher la guerre sainte contre les Franks, pourquoi n’ont-ils pas chrétiennement agi comme ton frère ? Oui… ces terres immenses, peuplées d’esclaves et de bétail, que l’Église obtient si facilement de la crédulité des rois et des seigneurs franks, pourquoi ne les a-t-elle pas restituées à ceux qui les possédaient autrefois ? ou bien si le massacre de la conquête laissait ces terres sans possesseurs, pourquoi l’Église ne les a-t-elle pas distribuées aux esclaves qui les cultivaient et qu’elle aurait affranchis, au lieu de les garder en servitude, exploitant ainsi terres et gens à son profit… Redevenus libres et citoyens, rattachés au sol de la patrie par les mille liens de la famille, par la possession d’un sol fécondé par leur travail, ces anciens esclaves régénérés, formant alors la population la plus considérable de la Gaule, devaient, dans un temps prochain, absorber ou chasser cette poignée de barbares qui l’oppriment et reconquérir son indépendance… Oh ! oui, oui… si ce que ton frère a accompli dans la vallée de Charolles, tous les évêques l’avaient accompli dans les immenses domaines de l’Église, peuplés d’esclaves, la Gaule, aujourd’hui, serait prospère, glorieuse et libre !

— Cela est certain, Kervan ; mais les évêques ne l’ont pas voulu. Ces terres conquises par leur fourberie, ils les ont, vous l’avez dit, conservées, exploitées à leur profit, grâce au labeur écrasant de leurs frères, qu’ils retiennent, ces doux apôtres de charité, dans le plus dur esclavage… Le mal que font les évêques, ils le font volontairement, amoureusement ; ces terres, ces esclaves, dons pieux de la crédulité de nos conquérants, quelle puissance humaine pouvait forcer l’Église à les garder ? qui l’empêchait, qui l’empêche d’affranchir ces pauvres captifs ? qui l’en empêche ?… Ah ! c’est l’ambition implacable, c’est la cupidité effrénée de ces nouveaux princes des prêtres ! … Ils règnent absolus, redoutés sur un peuple crédule et craintif ; ils jouissent du fruit de ses sueurs dans une opulente oisiveté… et ils n’auraient été que simples citoyens au milieu d’un peuple libre, intelligent, pénétré de ses droits, et n’entendant travailler qu’au profit