chaient. Presque au même instant où Imnachair quittait le rivage, je vis l’épouse de Chram faire quelques pas, entraînant ses deux enfants après elle ; puis, n’ayant pas la force de faire un pas de plus, elle tomba sur ses genoux, ainsi que ses deux petites filles, tendant les mains d’un air suppliant et épouvanté… Alors, Chram, tête nue, livide, son armure en désordre, et qui venait sans doute de sauter à bas de son cheval, parut aux abords de la hutte, marchant à reculons et l’épée à la main, tâchant de parer les coups que lui portaient trois guerriers… Soudain j’entendis la voix retentissante du roi Clotaire, et ces paroles arrivèrent jusqu’à moi :
« Seigneur, regarde-moi du haut du ciel ! et juge ma cause, car je suis indignement outragé par mon fils !… Vois, et juge-nous avec équité, — ajouta ce tueur d’enfants si fervent catholique, — et que ton jugement soit celui que tu prononças entre Absalon et son père David (D). »
Clotaire achevait ces paroles lorsqu’il parut à mes yeux aux abords de la cabane ; s’adressant alors à ses antrustions qui continuaient de charger Chram dont le sang coulait, il s’écria :
« Ne le tuez pas !… je veux l’avoir vivant ! »
Les guerriers abaissèrent leurs épées. Chram, dont le visage ruisselait de sang, fit deux ou trois pas en chancelant, puis il tomba dans les bras de sa femme, qui, s’élançant vers lui, l’étreignit convulsivement ; ses deux petites filles, toujours agenouillées, tendaient leurs bras vers Clotaire, qui venait de descendre de son cheval blanchi d’écume ; il tenait à la main sa longue épée ; ses guerriers formèrent un cercle autour de Chram et de sa famille ; Clotaire alors remit son épée au fourreau, croisa ses bras sur sa poitrine et contempla son fils en silence pendant quelques instants ; Chram, après avoir imploré son père les mains jointes, courba son front sanglant jusque sur le sol ; sa femme et ses deux enfants poussaient des sanglots suppliants ; Clotaire, toujours immobile comme un spectre, les regardait ; enfin,