Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/303

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gnes de la communauté, ainsi que des dons volontaires des habitants de la colonie, était destinée au rachat de bon nombre d’esclaves. Quelques moines laboureurs résolus et bien armés accompagnaient Loysik à Châlons-sur-Saône où, vers le commencement de l’automne, se tenait un grand marché de chair gauloise, sous la présidence du comte et de l’évêque de cette cité, capitale de la Bourgogne. De la place du marché se voyait le splendide château de la reine Brunehaut. Loysik rachetait des esclaves jusqu’à ce que sa pochette fût vide, regrettant que les esclaves de l’Église fussent d’un chiffre trop élevé pour sa bourse, les évêques les vendant toujours deux fois plus cher que les autres, pour ne point avilir sans doute leur marchandise en la livrant à trop bas prix ; parfois aussi, grâce à la persuasion pénétrante de sa parole, Loysik obtenait d’un seigneur frank, moins barbare que ses compagnons, le don de quelques esclaves, et augmentait ainsi le nombre des nouveaux colons qui, en touchant le sol de la vallée de Charolles, trouvaient l’accueil que l’on a vu, et ensuite, travail et bien-être.

Après la distribution des nouveaux affranchis aux habitants de la vallée (Loysik s’était fait la part du lion en hébergeant bon nombre d’hommes au monastère), moines laboureurs et colons se mettent à table. Quel festin !…

— Nos festins en Vagrerie n’étaient rien auprès de ceux-là, — dit Ronan. — Est-ce vrai, vieux Veneur ?…

— Te souviens-tu, entre autres, de ce fameux gala dans notre repaire des gorges d’Allange ?

— Où l’évêque Cautin cuisina pour nous ? après quoi il fut ravi au ciel et en descendit très-promptement.

— Odille, vous souvenez-vous de cette nuit étrange, où pour la première fois je vous ai vue, lors de l’incendie de la villa de mon mari l’évêque ?

— Certes, Fulvie, je m’en souviens ; et aussi de ces largesses que de leur butin les Vagres faisaient au pauvre monde.