Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Hélas ! que de désastres vont encore déchirer la Gaule durant cette lutte sanglante…

— Oh ! elle sera terrible… terrible… car les crimes de Frédégonde pâlissent auprès de ceux de Brunehaut, notre reine aujourd’hui, à nous, habitants de la Bourgogne.

— Mon père, est-ce possible ? Brunehaut plus criminelle que Frédégonde ?

— Ronan, — dit Odille en portant ses deux mains à son front, — ce chaos de meurtres, accomplis dans une même famille, donne le vertige… L’esprit se trouble et se lasse à suivre le fil sanglant qui seul peut vous conduire au milieu de ce dédale de crimes sans nom. Grand Dieu ! dans quel temps nous vivons !… Que verront donc nos enfants ?

— À moins que les démons ne sortent de l’enfer, petite Odille, nos enfants ne pourront rien voir qui surpasse ce que nous voyons ; car, je vous l’ai dit, les crimes de Frédégonde ne sont rien auprès de ceux de Brunehaut… Et si vous saviez ce qui se passe à cette heure dans le splendide château de Châlons-sur-Saône, où cette vieille reine, fille, femme et mère de rois, tient en sa dépendance ses arrière-petits-enfants… Mais non… je n’ose… mes lèvres se refusent à raconter ces choses sans nom.

— Ronan a raison. Il se passe aujourd’hui dans le château de la reine Brunehaut des horreurs qui dépassent les bornes de l’imagination humaine, — reprit Loysik en frémissant ; puis s’adressant à Ronan : — Mon frère, par respect pour nos jeunes familles, par respect pour l’humanité tout entière, n’achève pas…

— C’est juste, Loysik ; il y a quelque chose d’épouvantable à penser que la reine Brunehaut est une créature de Dieu comme nous, et que comme nous… elle appartient à l’espèce humaine…

— Frère Loysik, frère Loysik, — accourut dire un des moines laboureurs, — on a frappé à la porte extérieure du monastère… une voix m’a répondu que c’était un message de l’évêque de Châlons et de la reine Brunehaut.