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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/58

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le vin ; gros sacs de peau éventrés, d’où ruissellent les sous d’or et d’argent ; riches étoffes pourpres et bleues, n’attendant plus que la façon ; fourrures chaudes et rares, noires comme le corbeau, blanches comme la colombe ; et pour trophées, aux quatre coins de ce splendide monceau de butin, les haches, les boucliers et les piques des leudes fuyards par peur du diable : or, argent, acier, vives couleurs, tout brille, fourmille et scintille de ces joyeux miroitements, particuliers aux gros monceaux de précieux butin, si plaisants à l’œil d’un Vagre…

Ils sont donc là, les Vagres ? ils sont donc dans la sainte chapelle de la villa épiscopale ?

Oui, les voici réunis dans ce lieu sacré dont ils ont fait leur magasin…

Et que font-ils là ?

Ma foi ! ils font ce que font les Vagres après avoir bu, ravagé, pillé : les uns ronflent et cuvent leur ivresse sur les marches de l’autel, les autres, se balançant sur leurs jambes avinées, se délectent en regardant amoureusement leur gros tas de butin, ces richesses, qu’ils vont semer sur leur route, et qui feront tant d’heureux ; car les Vagres de Ronan surtout sont fidèles à ces commandements… saints commandements en Vagrerie :

« Prenons aux riches, donnons aux pauvres… Vagre qui garde un sou pour le lendemain n’est plus un Vagre, un Loup, une Tête de loup, un Homme errant… Toujours il partage son butin de la veille entre les pauvres gens pour avoir à piller de nouveau évêques renégats ! Franks pillards et oppresseurs de la vieille Gaule ! »

Et ces autres Vagres, appuyés debout aux fûts des colonnes, ou assis sur les marches de l’autel, à côté des ronfleurs, leurs regards sont aussi fermes que leurs jambes, n’ont-ils donc point aussi goûté, ceux-là, aux vins vieux de la villa épiscopale ?

Ceux-là ils en ont bu deux fois, dix fois plus que les autres (et Ronan est de ce nombre) ; mais ce sont des Vagres aguerris, rudes