Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/60

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Deux Vagres allèrent quérir le saint homme de Dieu, jusqu’alors retenu dans un couloir voisin. Il fut introduit garrotté, pâle et courroucé, devant le tribunal de Ronan et de ses clercs en Vagrerie.

— Seigneur évêque, — lui dit Ronan, — votre charité, votre piété, votre clarissime pudicité (afin d’employer les titres honorifiques que vous vous accordez entre vous, saints hommes), votre clarissime pudicité voudra-t-elle nous dire comment tu t’appelles ?

— Incendiaire ! pillard ! sacrilège !… voilà tes noms à toi… Je te damne et t’excommunie, ainsi que ta bande, dans ce monde et dans l’autre, où vous subirez pour vos forfaits les peines éternelles !

— Ta clarissime charité répond à ma question par des injures… Or, puisque ta clarissime humilité refuse de dire ton nom, ton nom, le voici : Tu t’appelles Cautin…

— Puisse mon nom te brûler la langue !

— Pauvres esclaves de l’abbaye, — ajouta Ronan en s’adressant à eux, — quels reproches faites-vous à votre évêque ?

— Il nous écrase de travaux de l’aube au soir, et souvent la nuit.

— Pour nourriture, il nous donne une poignée de fèves.

— Il nous laisse sous ces haillons, et dans nos huttes de boue effondrées la cabane des porcs nous fait envie.

— Nos moindres fautes sont punies du fouet.

— Nous autres, jeunes femmes du gynécée de l’évêchesse, il abuse de nous par la menace… Quelle résistance peut faire l’esclave ? elle se soumet en frissonnant… et pleure…

— J’ai dit ce que j’ai dit, — ajouta le vieux Simon, l’introducteur des Vagres dans la villa. — Qu’un Frank nous asservisse et nous accable de misères… conquérant, il use de sa force ; mais que des évêques, Gaulois comme nous, se joignent à ce Frank pour nous asservir et partager avec lui nos dépouilles… je l’ai dit et je le dis, c’est le crime des prêtres de l’Église catholique, apostolique et romaine, comme ils s’appellent… Joug pour joug, j’aurais préféré celui de la