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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/65

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en se la disputant cette nuit, l’ont tuée. » Moi, j’ai voulu rester là pour y mourir ; mais le chef m’a emportée sur son cheval, et nous sommes arrivés sur le domaine du comte…

— Entends-tu, évêque ? — dit Ronan, — entends-tu, Gaulois ? ce sont les Franks, tes alliés, qui, dans cette province et dans les autres, massacrent les vieillards et les enfants comme bouches inutiles et enlèvent ainsi hommes et femmes de notre race, pour repeupler les terres de la Gaule que leurs rois ont distribuées à leurs guerriers en nous dépouillant… Ce sont tes alliés, tes amis, tes fils en Christ et en Dieu, qui font cela… et tu ordonnes, sous peine de l’enfer, au pauvre peuple d’obéir à ces pillards, à ces ravisseurs, à ces meurtriers, qui violentent et tuent les mères sous les yeux de leurs filles. Entends-tu cela, évêque gaulois ?

— Les Franks respectent les biens de l’Église et les oints du Seigneur, — s’écria l’évêque Cautin, — ces biens, ces oints sacrés, sur lesquels vous osez, maudits ! porter vos mains impies.

— Continue, — dit Ronan à la petite esclave, — continue, pauvre enfant !

— Nous sommes arrivés au burg ; le comte m’a fait conduire dans sa chambre ; il s’est jeté sur moi, j’ai voulu lui résister, il m’a donné des coups de poings sur la figure, j’étais toute en sang (M) ; la douleur et l’effroi m’ont fait perdre connaissance, le seigneur comte a abusé de moi ; depuis, j’ai été enfermée avec les autres esclaves dans l’appartement de sa femme Godigisèle, bien douce femme pour un si méchant homme ; cette nuit, un des leudes est venu me prendre, m’a emportée sur son cheval ; il m’a conduite ici, me disant que je serais l’esclave du seigneur évêque.

— Cela t’effraye, pauvre enfant, d’être esclave du seigneur évêque ?

— Ma mère et mes parents ont été tués ; je suis esclave, je suis avilie… tout m’est égal… J’ai essayé de m’étrangler avec mes cheveux, mais j’ai eu peur… et pourtant je voudrais mourir.

— Elle a quinze ans… évêque… et tu l’entends ?