Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/71

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tu m’as parlé, ton regard est devenu doux comme ta voix ; je suis esclave et orpheline, — ajouta-t-elle en pleurant ; — que veux-tu que je fasse ? où veux-tu que j’aille, sinon avec le premier qui doucement me dit : Viens…

— Viens donc, et sèche tes larmes, petite Odille ; on ne pleure guère en Vagrerie… Tu monteras sur l’un des chariots de la villa, dans lequel nos compagnons transportent, tu le vois, le butin, sans compter celui qui est resté en dehors de la chapelle… Allons, prends mon bras, et marchons, pauvre enfant…

Et voyant l’ermite s’approcher :

— Adieu, notre ami ; tu as la vie d’un méchant évêque sur la conscience… que le Cautin te soit léger !

— Ronan, je t’accompagne.

— Tu viens avec nous courir la Vagrerie ?

— Oui.

— Toi, ermite ? toi, véritablement saint homme ? toi, avec nous, Hommes errants, Loups, Têtes de loups, diables de Vagres que nous sommes ?

— Jésus l’a dit : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien, mais les malades qui ont besoin de médecins… »

— Tu veux nous guérir de notre manie de pendre les méchants évêques ?

— J’ai déjà commencé.

— Une fois n’est pas coutume.

— Nous verrons… vous avez encore d’autres plaies que je veux guérir, j’espère vous voir faire mieux que des ruines…

— Moine, dis-tu vrai ? — reprit Cautin à demi-voix. — Tu ne m’abandonneras pas ? tu me protégeras contre ces Philistins, contre ces Moabites ?

— C’est mon devoir de rendre ces gens meilleurs.

— Meilleurs ! ces scélérats ?

— J’y tâcherai…