Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/78

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— Malheur à vous ! damnation sur vous ! si vous osez toucher d’une main sacrilège aux biens de l’Église… tremblez… tremblez ! c’est péché mortel… vous, vos maris, vos enfants, vous serez plongés dans les flammes de l’enfer durant l’éternité…

C’était l’évêque Cautin accourant tout gâter malgré les remontrances de l’ermite laboureur.

— Oh ! nous ne toucherons à rien de ce que l’on nous donne, notre évêque, — répondaient les femmes et les enfants contrits et frissonnant de tous leurs membres, — nous ne toucherons point, hélas ! à ces biens de l’Église.

— Mes Vagres, — dit Ronan, — pendez-moi l’évêque… nous trouverons ailleurs un cuisinier…

Déjà l’on s’emparait du saint homme, alors plus pâle, plus tremblant que les plus pâles et les plus tremblantes des pauvres femmes naguère si joyeuses, lorsque le moine s’interposa et de nouveau délivra Cautin.

— L’ermite ! — s’écrièrent les esclaves, — l’ermite laboureur…

— Béni sois-tu, l’ami des affligés…

— Béni sois-tu, notre ami à nous autres petits enfants qui t’aimons tant, car tu nous aimes…

Et toutes ces mains enfantines s’attachèrent à la robe de l’ermite, qui disait de sa voix douce et pénétrante :

— Chères femmes, chers petits enfants, prenez ce qu’on vous donne, prenez sans crainte… Jésus l’a dit : « Malheur au riche, s’il ne partage son pain avec qui a faim, son manteau avec qui a froid. » Votre évêque voulait vous éprouver : ces biens, il vous les donne…

— Béni sois-tu, saint évêque ! — dirent les femmes en levant leurs mains reconnaissantes vers Cautin, — béni sois-tu, bon père, pour tes généreux dons !

— Je ne donne rien ! — s’écria Cautin ; — on me contraint, on me larronne, et vous brûlerez éternellement en enfer, si vous écoutez cet ermite apostat !…