Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/275

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(À Florette, qui sanglotte.) Chère fille… chère sœur… car vous êtes maintenant notre sœur, je vous en supplie, calmez-vous, et apprenez-nous ce qui est arrivé à Mylio ?

Florette. — Il m’avait dit qu’en outre de son désir d’être promptement de retour près de vous, une autre raison, dont il vous instruirait, devait hâter notre marche, et que nous voyagerions presque nuit et jour ; c’est ce que nous avons fait. J’étais en croupe de Mylio, un de ses amis nous accompagnait monté sur une mule ; ce matin, nous nous sommes arrêtés dans un gros bourg, où l’on entre par une arcade en pierre.

Karvel, à Morise. — C’est le bourg de Montjoire, à quatre lieues d’ici.

Florette. — Depuis notre départ de Touraine, nous avions voyagé si rapidement que les fers de notre cheval s’étant usés, il en perdit deux avant d’entrer dans ce bourg ; Mylio, voulant faire referrer sa monture, s’informa d’un maréchal, et nous conduisit, son ami et moi, dans une auberge où il nous dit de l’attendre. Le compagnon de Mylio est un jongleur très-joyeux. Il se mit à jouer de la vielle et à chanter des chansons contre l’Église et les prêtres devant les gens de l’auberge ; à ce moment, deux moines, escortés de plusieurs cavaliers, entrèrent et ordonnèrent au jongleur de se taire. Il répondit par des railleries ; alors les hommes de l’escorte des moines se sont jetés sur le pauvre vieux Peau-d’Oie, c’est son nom, et l’ont battu, en l’appelant chien d’hérétique !

Aimery. — C’est à n’y pas croire ! jamais jusqu’ici les moines n’ont osé montrer tant d’audace ; car à Montjoire, comme dans tout l’Albigeois, on aime les prêtres de Rome comme la peste ! Mais, mon enfant, les spectateurs de l’auberge ont dû prendre le parti de votre compagnon de voyage ?

Florette. — Oui, messire, et Mylio est rentré au plus fort de la batterie ; il a voulu défendre son ami que l’on maltraitait, mais les hommes d’armes étaient nombreux ; les gens de l’auberge ont eu le