Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/277

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l’écart. — Ma mère, voyez donc ce pauvre vieux homme… personne ne lui parle… On l’oublie en ce moment ; aussi comme il paraît triste ! si j’allais lui souhaiter sa bienvenue en ce pays ?

La dame de Lavaur. — C’est une bonne pensée, cher enfant ; va !

Pendant que Mylio dans un muet transport répond aux caresses de ceux qui lui sont chers, Aloys s’approche timidement du vieux jongleur ; celui-ci n’est point triste, mais prodigieusement embarrassé. Mylio, en lui parlant des austères vertus de Karvel-le-Parfait et de sa femme, a surtout recommandé à Peau-d’Oie de ne point s’échapper, selon son habitude, en joyeusetés grossières ou licencieuses ; aussi, le jongleur, fidèle aux instructions de son ami, se gourme, se guinde, pince ses grosses lèvres, prend enfin, autant qu’il le peut, un air sérieux et vénérable qui donne à sa figure, ordinairement réjouie, cette expression piteuse qui, trompant la bienveillante candeur d’Aloys, lui fait croire à la tristesse de Peau-d’Oie, et il lui dit d’une voix touchante : — Soyez le bienvenu en notre pays, bon père…

Peau-d’oie, à part soi. — Ce garçonnet doit être aussi un petit Parfait, veillons sur ma langue ! (Haut à Aloys, d’un ton grave et sentencieux.) Que Dieu vous garde, mon jeune maître, et vous conserve toujours en la vertu ; car la vertu… hum !… hum !… voyez-vous, la vertu donne plus de vrai et gaillard contentement qu’une jolie ribaude… Que dis-je !… la vertu est la ribaude de l’homme de bien ! (Aloys, ne comprenant rien aux dernières paroles de Peau-d’Oie, le regarde d’un air naïf et surpris ; puis il retourne auprès de sa mère.)

Peau-d’oie, à part soi. — Je suis content… j’ai dû donner à ce jouvenceau une excellente idée de ma sagesse ! il doit déjà me vénérer ! 


Karvel, ramenant Mylio vers Aimery et sa sœur, dit à celle-ci : — Dame Giraude, je vous demande pour Mylio un peu de la bonne amitié que vous avez pour nous.

La dame de Lavaur. — Vous le savez, Karvel, ce n’est pas